Jeudi 27 mars, dans le cadre du cours de Lettres, les élèves de seconde ont rencontré Maki Fukuda, docteur en droit à l’université de Kobe, au Japon, spécialiste de l’histoire de la peine de mort en France. Cette vidéo-conférence fut l’occasion de comparer l’évolution du débat sur la peine capitale entre les deux pays. L’enseignante-chercheuse s’est livrée à une interview riche.
Quelle est l’opinion des Japonais sur la peine capitale ?
Le Japon conserve la peine de mort. La population y est à 80 % favorable. Cela s’explique entre autres par la grande confiance qu’ont les citoyens dans leur système judiciaire. Si peu d’exécutions ont lieu (en moyenne trois par an, pour crimes multiples majoritairement et aucune depuis le Covid), des condamnations sont prononcées tous les ans. Dans les années 70, un groupe de personnes portées par un avocat, inspiré de la démarche de Badinter en France, a tenté de remettre en cause la peine de mort. Il a eu recours à des arguments assez similaires. Cette tentative s’est cependant soldée par un échec.

Est-ce que le taux de criminalité est moins élevé qu’en France ?
Oui, le taux de criminalité est moins élevé qu’en France. Les Japonais ont un grand sens du civisme et se surveillent entre eux. Les peines sont sévères pour des délits qui en France seraient mineurs. Mais il semble difficile de faire correspondre le recours à la peine de mort avec le nombre de crimes. Par exemple, en France, ce taux a diminué depuis l’abolition. D’autres facteurs interviennent probablement.
Quel est le mode d’exécution pratiqué au Japon ?
Le Japon a recours à la pendaison. Le débat sur le mode d’exécution s’est tenu à la fin du XIXème siècle. Il s’agissait de choisir entre la guillotine et la machine anglaise par pendaison. Une trappe s’ouvre sous les pieds du condamné. Il évite l’effusion de sang de la première méthode, d’autant plus que les exécutions étaient publiques. Rapidement et avant que cela ne soit le cas en France, les exécutions ont été confidentielles et ont perdu leur caractère spectaculaire.
Qu’est qui fait qu’une société soit abolitionniste ou non selon vous ?
Il semble que plusieurs facteurs interviennent dans le fait qu’un pays soit abolitionniste ou non. Outre divers aspects culturels, la question religieuse occupe probablement une place importante. La culture japonaise est ainsi en partie bouddhiste. Elle croit en la réincarnation. Le statut de la mort en est différent. En Europe, c’est le christianisme qui a probablement influencé la vision de la mort. Il est possible de penser que l’importance du pardon, l’unicité et la valeur de tout être ou encore la croyance dans une justice post-mortem aient imprégné les esprits.
Mais la question n’est pas aussi binaire car l’Église a également accordé son assentiment au recours à la peine de mort. Ainsi si les tribunaux ecclésiastiques ne condamnaient pas, le roi le faisait comme signe de sa puissance. En outre, le châtiment reçu sur terre en expiation de son péché ou encore l’importance de préserver le groupe sont des arguments qui ont été repris par un certain nombre de penseurs influencés par le christianisme.
Pensez-vous que la peine de mort pourrait revenir en France ?
Cela me semble difficile à croire. Il existe en effet trois verrous législatifs. Le premier réside dans la loi française puisque le terme même a disparu. Le second est dans la constitution. Une loi qui autoriserait la peine de mort lui serait opposée Enfin, le dernier obstacle est au niveau européen. Pour adhérer à l’UE, un pays doit aujourd’hui avoir aboli la peine de mort.